C8 et NRJ12 perdent leurs fréquences TNT (2024)

Paf ! Les candidatures de C8, chaîne la plus sanctionnée de la télévision française, et de NRJ12 n’ont pas été retenues par l’Arcom pour la réattribution de fréquences TNT en 2025, selon un communiqué du régulateur publié ce mercredi 24 juillet.

A l’inverse, la chaîne d’information CNews, régulièrement rappelée à l’ordre par l’Arcom et propriété, comme C8, du groupe Canal +, dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, a été sélectionnée pour un renouvellement de sa fréquence. OFTV et Réels TV, les chaînes proposées respectivement par Ouest-France et Daniel Kretinsky ont, de leur côté, été retenues.

Rappel à l’autorité

C’est la première fois que des fréquences sont retirées à des chaînes lors d’un processus de réattribution depuis le lancement de la TNT en 2005. L’Arcom semble avoir voulu faire respecter son autorité, en réaffirmant que les fréquences n’appartiennent pas aux chaînes qui les occupent mais sont en réalité un bien public. Dans son communiqué, l’autorité rappelle ainsi que 20 % des foyers français reçoivent exclusivement la télé via la TNT, et que ce mode de réception représente actuellement «plus de 90 % de l’audience totale de la télévision».

Les cas des deux chaînes éjectées sont cependant différents : malgré des audiences en hausse, C8 a multiplié les manquements à ses obligations, en majeure partie à cause des outrances de Cyril Hanouna dans Touche pas à mon poste. La chaîne cumulait ainsi jusqu’à 7,6 millions d’euros d’amende sur les huit dernières années, comme l’avait rappelé le collège de l’Arcom dans l’audition des dirigeants du groupe Canal + le 9 juillet dernier. La chaîne est, par ailleurs, déficitaire depuis sa création, avec encore 48,5 millions d’euros de pertes nettes en 2023 comme l’avait relevé l’Informé. Le retrait de la fréquence de C8 ne devrait pour autant pas signifier la disparition du PAF de Cyril Hanouna et de Touche pas à mon poste. Lors de l’audition de la chaîne, Gérald-Brice Viret, le directeur général de Canal + avait ainsi signifié que l’animateur «ira où il voudra. Aujourd’hui, C8 est un écrin pour lui. Quelqu’un qui fait 2,3 millions de téléspectateurs de moyenne trouvera toujours un espace pour communiquer». L’émission sera-t-elle transférée sur une autre chaîne du groupe, CStar, Canal + voire CNews ? Canal+ peut aussi faire le choix de conserver C8 et de la diffuser via sa plateforme MyCanal et les box télécom. Cyril Hanouna devrait en tout cas au moins être présent à la radio, sur Europe 1, à la rentrée, en reprenant On marche sur la tête, l’émission polémique qu’il avait animée en fin d’après-midi pendant les législatives.

Dans un mail aux salariés du groupe Canal+, le président du directoire Maxime Saada a adressé ses «premières pensées aux équipes devant et derrière la caméra» : «Nous sommes – je suis – sous le choc et triste pour les 300 collaboratrices et collaborateurs qui ont œuvré et qui œuvrent depuis plus de 20 ans à faire de C8 la première chaîne de la TNT». Plus loin, le patron de Canal+ explique qu’avec «Gérald-Brice Viret, Franck Appietto (directeur de C8, ndlr) et l’intégralité de la direction du groupe Canal+, nous allons maintenant prendre le temps d’analyser sereinement la situation qui s’impose à nous».

Autre candidate déçue, NRJ12 connaît, elle aussi, des difficultés économiques de longue date, même si elle affirmait arriver à l’équilibre ces derniers mois. La chaîne atteignait un maigre point d’audience lors de l’année 2023, en proposant surtout des rediffusions. L’Arcom semble avoir estimé que cette offre éditoriale pauvre associée à des résultats économiques structurellement déficitaires n’étaient pas suffisants pour leur réattribuer leur fréquence.

L’Arcom choisit le «réel» et le «vrai»

Surtout, le régulateur a choisi deux dossiers qu’il estimait plus solide. Deux chaînes généralistes donc, pour les canaux 8 et 12 (même si on ne sait pas encore comment seront précisément réattribuées ces fréquences) pour deux groupes de presse qui ont axé leurs candidatures respectives sur le «réel» et le «vrai». Réels TV, proposée par le groupe CMI France qui appartient au milliardaire Daniel Kretinsky (par ailleurs créancier de Libération), se veut ainsi une chaîne de documentaires, de débats et de divertissem*nt, avec un talk-show quotidien entre 19 heures et 21 heures, selon le projet présenté par Denis Olivennes, bras droit du magnat tchèque (et ex-directeur général de Libé, toujours président de la société mère du journal), devant l’Arcom. La chaîne pourrait s’appuyer sur le groupe de presse qui lui est attaché et qui possède les titres Elle, Franc-Tireur ou Télé 7 Jours, le groupe d’édition Editis ou le média vidéo Loopsider. «Nous sommes extrêmement reconnaissants envers l’Arcom d’avoir retenu notre projet et décidé de nous attribuer une fréquence TNT, a réagi Daniel Kretinsky dans un communiqué. CMI France est déterminé à favoriser, par ses investissem*nts dans les médias y compris audiovisuels, un débat et un esprit publics pluralistes et raisonnables, qui soutiennent la démocratie. C’est notre raison d’être dans les médias. C’est ce qu’exprimera la chaîne que nous allons construire».

Ouest-France, de son côté, s’appuie sur les bons résultats du groupe de presse, toujours le quotidien le plus diffusé avec 628 393 exemplaires selon l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). La chaîne OFTV repose sur cinq piliers selon les propos des dirigeants d’Ouest-France devant l’Arcom le 16 juillet, avec un talk-show quotidien, du divertissem*nt, de l’information (un JT quotidien est ainsi prévu), de la fiction, et d’éventuelles soirées débats. L’audition avait insisté (assez lourdement par ailleurs) sur une télé du «vrai», avec des «vraies gens», et qui poserait les «vraies questions». Avec la volonté, aussi, de mieux parler des «territoires», en reprenant le mantra du quotidien avec une chaîne qui parle «de la commune au monde». «Le plus dur commence mais nous sommes fiers d’être au rendez-vous», a notamment réagi sur X le directeur du pôle audiovisuel de Ouest-France Edouard Reis Carona.

Le Média prépare un recours

De son côté, le maintien de la fréquence TNT de CNews a pu étonner les observateurs. Mais la tendance serait à un renforcement du cahier des charges de la chaîne, qui fixe ses obligations de temps de journaux télé, de reportages, etc. Une réactualisation plus musclée de sa convention, alors que celle-ci date du temps d’iTélé. L’Arcom possède un autre levier d’action, en rétrécissant éventuellement la durée de renouvellement de la fréquence de CNews. Ces dispositions devraient être négociées entre l’autorité et les chaînes pré-sélectionnées à la rentrée.

Enfin, la décision de l’Arcom a fait plusieurs malheureux, outre C8 et NRJ12. Sept autres candidats ont ainsi échoué à accéder à la TNT. Parmi eux, on trouve l’Express TV, issu de l’hebdomadaire du même nom. Son actionnaire Alain Weill a estimé dans un tweet «dommage, injuste» que sa candidature n’ait pas été retenue. La webTV le Média pensait aussi avoir ses chances. Elle n’a pas été choisie. Dans un communiqué, le Média affiche sa «consternation» vis-à-vis de la décision de l’Arcom : «Le milliardaire Bolloré perd une fréquence mais en conserve six, le milliardaire tchèque Kretinsky se voit offrir la fréquence perdue par Bolloré : bref, pour l’Arcom, il faut que tout change pour que rien ne change». La webTV annonce par ailleurs vouloir engager un recours pour contester la décision de l’Arcom.

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